COLLOQUE
RÉSEAU(X) ET TERRITOIRES
Le ferroviaire au coeur des mobilités régionales et métropolitaines
En savoir plusEn Allemagne, comme en Suisse ou en Suède, des réseaux express métropolitains ont été mis en place et peuvent faire figure d’exemples.
Hors de nos frontières, les réseaux ferroviaires métropolitains se sont multipliés ces dernières années, et certains d’entre eux peuvent être de véritables sources d’inspiration pour leurs équivalents français. C’est le cas, en particulier en Allemagne et en Suède, dont certains sont exploités par Transdev, dont Christian Schreyer est le directeur pour l’Europe du Nord. « Nous devons faire face à de nombreux défis. Le premier est l’accroissement des temps de déplacement dus à la croissance urbaine et à la saturation des transports.
Il y a aussi la prise de conscience environnementale, particulièrement sensible en Suède, peut-être en raison d’un “effet Greta Thurnberg”, cette jeune adolescente militante pour le climat. Nous avons aussi des finances publiques sous contrainte, et enfin nous devons intégrer la data et les nouvelles technologies. Par ailleurs, nous avons quatre convictions : le transport public doit être la colonne vertébrale de tous les déplacements urbains, il faut du multimodal pour être adapté à chaque territoire, il faut proposer le prix le plus juste possible pour que les collectivités financent l’offre la plus importante, et enfin il faut un maximum de sécurité et de confort pour accroître la fréquentation. »
Ouverture à la concurrence salutaire ?
Forte de ces principes, la société Transdev assure réussir à proposer, en Suède par exemple, un service ponctuel à 95 %, pour un coût modéré de 8 euros par kilomètre. « Il y a un certain nombre de facteurs qui sont déterminants quand on pense un réseau métropolitain », reprend Christian Schreyer. « D’abord, des actifs de qualité, avec un matériel roulant adapté, un réseau entretenu, etc. Ensuite, un management décentralisé, qui responsabilise et place la performance au coeur du travail, via notamment les nouvelles technologies. Il est aussi indispensable d’avoir des collaborations efficaces entre collectivités et opérateurs.
À Munich, par exemple, l’opérateur municipal gère le transport urbain et la Deutsche Bahn a en charge le S-Bahn, l’équivalent du RER, et cela se fait en bonne intelligence. Enfin il me paraît indispensable d’ouvrir à la concurrence. On le voit en Suède ou en Allemagne, par exemple. Dans ce dernier pays, où une filiale de la Deutsche Bahn possède 43 % du marché, les coûts par kilomètre ont été divisés par deux ces 25 dernières années. Et la fréquentation a augmenté de 50 % ! »
La demande créée par l’offre
La hausse a été la même du côté de la Suisse, sur le réseau sur lequel travaille Daniel Leuba, responsable général de la mise en exploitation du Léman Express et de la ligne Delle-Belfort au sein des Chemins de fer -fédéraux- suisses. Avec une mise en service prévue fin 2019, le Léman Express complétera les réseaux existants, l’offre étant jugée à la fois trop peu efficace et trop incohérente pour répondre à la problématique des travailleurs transfrontaliers. Seuls 16 % de leurs 550 000 déplacements, en 2015, s’effectuaient ainsi en train. « Nous allons amener ces travailleurs à repenser leurs déplacements, effaçant ainsi les frontières entre la France et la Suisse », se félicite Daniel Leuba. « Nous avons fait le pari du cadencement, c’est-à-dire que nous avons organisé la nouvelle offre de manière répétitive tout au long de la journée ; à chaque heure, à telle minute, un train marque un arrêt dans telle gare. Cela crée des habitudes et surtout, in fine, de la demande grâce à cette offre ! C’est ce qui nous permet déjà d’afficher une hausse de 50 % de voyageurs en Suisse pour la partie du Léman Express mise en service en 2018», conclut Daniel Leuba.
Des discussions parfois complexes
Stefan Groer, lui, est chargé de mission au sein du service « transports publics de voyageurs et mobilités » au Ministère de l’Économie, énergie, transports, logement du Land de Hesse, en Allemagne. Là-bas, deux réseaux de S-Bahn maillent une partie du territoire : « Le Land de Hesse supervise l’organisation des transports et finance les transports publics régionaux. Puis des autorités organisatrices des transports, de droit privé dans cette région, planifient, fixent les tarifs, s’occupent du marketing. Enfin un appel d’offres est passé pour l’opérationnel, assuré par des entreprises de transport », détaille-t-il. « C’est donc à 100 % ouvert à la concurrence, et bien que le financement ne soit pas toujours évident et les discussions parfois complexes entre les partenaires, c’est un service jugé efficace et peu onéreux par les usagers », assure Stefan Groer. A chaque pays, bien entendu, ses particularités, tous les réseaux express métropolitains ne fonctionnent pas sur le même modèle, et aucun ne saurait être dupliqué tel quel en France. Mais tous, en tout cas, proposent des idées susceptibles de nourrir le débat national sur le sujet...
« Le ferroviaire ne joue pas encore assez son rôle. Si de grandes métropoles telles que Bordeaux, Toulouse, Marseille, Lyon ou Strasbourg s’engagent dans cette voie, l’État sera au rendez-vous ». La promesse est signée par la ministre des Transports Élisabeth Borne, et elle a d’ores et déjà été entendue par certaines de ces collectivités.
Ainsi, à Marseille, par exemple, où le réseau ferroviaire est saturé, on envisage de ne plus « condamner » les trains à faire demi-tour gare Saint-Charles. On créerait ainsi une gare souterraine, permettant aux trains de traverser la gare, s’y arrêtant avant de continuer leur chemin.
À Strasbourg, on espère là aussi multiplier les alternatives à la voiture ; une autoroute du vélo, des aménagements de pistes cyclables, l’agglomération veut passer la part du deux-roues de 8 % des déplacements à 15 % en 2030. Elle entend aussi doubler le nombre de personnes prenant les transports en commun en développant à cet horizon un réseau express métropolitain avec un train tous les quarts d’heure, à destination notamment de la deuxième couronne, seulement desservie par le bus aujourd’hui.
Enfin à Lyon, où le noeud ferroviaire est saturé comme à Marseille, on envisage un réseau de dessertes périurbaines tous les quarts d’heure, là encore, s’étendant à des villes assez éloignées, dont Saint-Etienne. Mais, là comme ailleurs en France — sauf peut-être à Bordeaux, où le travail est plus avancé —, ces projets sont pour l’instant encore au stade des réflexions.DES FRÉMISSEMENTS EN FRANCE